Souviens-toi,
je t’ai prise aux cheveux,
Tu as desserré les dents,
Souviens-toi, pour moi, pour moi seul,
Parce que j’avais tout trahi pour toi
- oui, messieurs de la fumée et de l’ombre,
je vous ai trahis tous pour elle ;
eau-mère,
la vie que tu m’as donnée,
la vie avec la bouche bée,
je l’ai trahie et j’ai trahi le monde pour elle,
pour cette enfant que de vie en vie je retrouve,
l’endormeuse sans sommeil,
la veilleuse de la fin – ô ma mort !
Tu
as desserré les dents ;
la boule, le feu, l’astre de gorge,
la convulsion folle derrière tes lèvres,
indéfiniment derrière tes dents, ce mur
où tant d’autres se cassent la tête,
et ce que je ne puis dire…
Mais
à qui parlerais-je ? Toute oreille, tout œil
sombrent dans le silence et la nuit sans mémoire.
Tu veilles seule, enfant des baumes,
mort du carrefour, bois mon sommeil,
ne laisse rien de moi,
je suis seul à t’avoir vue plus présente qu’elles,
les fumées femelles,
les rôdeuses qu’un vrai regard dissipe,
je t’aime plus loin qu’au fond des rêves,
maîtresse de la peur, maîtresse de la fin,
ne m’éveille plus,
ne me nomme plus.
R.
Daumal